Un jour où je discutais avec ma grand-mère maternelle Lily, au sujet de son enfance à la campagne, en Vendée, puis des conditions de vie au cours de la seconde guerre mondiale que je n’osais imaginer si terribles, elle me raconta : "Vous les jeunes, vous ne pouvez pas comprendre ce qu'on a vécu ! On n’avait rien ! Même pas assez à manger ! J’ai dû aller travailler aux champs à l’âge de 13 ans ; je n’avais pas le choix, même pas celui d’aller à l’école ! Si vous saviez la chance que vous avez aujourd’hui, notamment vous, les femmes, de faire le métier que vous voulez, d’avoir la vie que vous voulez !… Et puis vous avez du temps pour vous, nous on n’avait pas de machines, même pas pour laver le linge ; il fallait tout faire à la main et c’était fatiguant. Tu imagines avec sept gosses ? »… Non… je n’imaginais pas la vie qu’elle avait pu avoir, sans jamais se plaindre. Et c’était le cas de la majorité des femmes avant les années 50 et l’arrivée du "modèle américain".
Ma grand-mère Lily me raconta qu’elle devait faire bouillir de l’eau pour y laver les draps, puis les sortir avec de très lourdes pinces en bois, après l’avoir tourné, frotté, essoré, pour le faire sécher…
Je suis née en 1970, ce n'est pas si vieux, mais je me rappelle que maman avait une machine (dont je ne connais pas le nom) qui avait deux gros rouleaux de bois entre lesquels elle faisait passer le linge pour l’essorer… Peut-être n'est-ce qu'un souvenir d'enfant, mais cette machine me paraissait énorme !
Notre quotidien a été bouleversé dans les années 50 avec l’arrivée de machines à tout faire, destinées à améliorer nos conditions de vie et à rendre toutes taches plus simples et rapides.
Mais alors, comment lavait-on le linge autrefois ?
Après avoir vu quelques outils (les fameuses grandes pinces en bois de ma grand-mère, une cuve appelée "lessiveuse", un immense chaudron et d’autres instruments en bois) au Musée des outils anciens de Chazelles, j’ai demandé à maman de m’expliquer ce qu’il en était, alors qu’elle était enfant, j’ai aussi glané quelques informations sur les brocantes de mon quartier où l’on trouve toujours des objets insolites d’un autre temps, mais aussi des personnes passionnées qui vous apportent toutes sortes d’informations et d’anecdotes enrichissantes.
Êtes-vous prêt(e) à vivre au temps des "lavandières" ?
Le travail de "lavandière", réalisé par des femmes, était une tâche physique extrêmement exigeante et fatigante, mais essentielle dans la vie quotidienne avant l'apparition des machines à laver.
Ce travail consistait à laver, rincer, et faire sécher le linge de toute la famille, parfois même celui des voisins, et il se faisait généralement au lavoir du village ou à la rivière, dans un endroit que l’on appelait "lavoir".
Les lavoirs étaient des structures spécialement conçues pour le lavage du linge. Ils étaient souvent construits près des rivières ou des sources d'eau et couverts pour protéger les lavandières des intempéries. Le sol était incliné pour faciliter le drainage, et des margelles en pierre servaient de support pour frotter le linge.
Dans les villages sans lavoirs, les femmes lavaient directement le linge dans la rivière, en s'agenouillant sur des pierres plates ou en utilisant des planches en bois pour frotter les tissus.
Avec quels outils nettoyait-on le linge autrefois ?
Les lavandières utilisaient :
une planche en bois avec des rainures ou des bosses pour frotter le linge. Les lavandières posaient le linge mouillé sur la planche et le frottaient énergiquement pour le nettoyer ;
un batteur en bois, parfois appelé "maillet" ou "battoir", pour battre le linge et en faire sortir l'eau sale et détacher la saleté incrustée ;
une grande cuve en métal, appelée "lessiveuse", parfois en fer blanc ou en cuivre, pour faire bouillir le linge, notamment les draps, pour désinfecter et blanchir le tissu. La lessiveuse était souvent placée au-dessus d'un feu ou sur une cuisinière à bois ;
de grosses pinces en bois pour saisir et sortir le linge bouillant de la lessiveuse ou du chaudron. Ces pinces permettaient de manipuler le linge lourd et brûlant sans se brûler les mains ;
du savon de Marseille, fabriqué à partir d'huile d'olive et de soude, en guise d’agent nettoyant. Il était coupé en morceaux et frotté directement sur le linge ou dissout dans l'eau ;
de la cendre de bois (ou lessive à la cendre), riche en potasse, utilisée comme détergent naturel avant la commercialisation des produits modernes. La cendre était mélangée à l'eau pour créer une solution alcaline qui aidait à dégraisser et à blanchir le linge ;
une brouette ou charette pour transporter le linge mouillé et lourd entre le lavoir et la maison.
Quelles étaient les différentes étapes pour laver, rincer et sécher le linge ?
Trempage : avant de frotter le linge, celui-ci était trempé dans l'eau froide ou tiède pour assouplir les fibres et commencer à déloger la saleté. Ce trempage pouvait durer plusieurs heures, voire une nuit entière pour les tissus très sales ;
Savonnage : les lavandières frottaient vigoureusement le linge avec du savon de Marseille, en insistant sur les taches et parties les plus sales. Le savon était appliqué directement sur le tissu, puis frotté sur la planche à laver ou battu avec le battoir ;
"Boulange" (ou "Bouillissage") : pour les textiles blancs, comme les draps ou chemises, un processus de bouillissage dans la lessiveuse était souvent nécessaire. Le linge était plongé dans une grande quantité d'eau avec du savon ou de la cendre, puis bouilli pour éliminer les taches tenaces et désinfecter le tissu. Cette opération était particulièrement importante pour le linge de maison, afin de tuer les germes et parasites ;
Rinçage : après le lavage et le bouillissage, le linge devait être soigneusement rincé pour éliminer tout résidu de savon ou de cendre. Ce rinçage se faisait à grande eau, généralement dans la rivière ou dans un bac à lavoir, où le linge était battu et retourné plusieurs fois pour s'assurer qu'il ne restait plus de produit lavant ;
Essorage : l'essorage était une tâche physique pénible, surtout pour les grandes pièces de linge comme les draps ! Le linge était tordu à la main ou battu pour éliminer un maximum d'eau avant d'être transporté pour le séchage ;
Séchage : le linge était étendu sur des cordes à linge, des haies, ou des prairies pour sécher à l'air libre. Les grandes pièces, comme les draps, étaient souvent suspendues aux branches des arbres ou étalées sur l'herbe. Le séchage pouvait prendre plusieurs heures, voire toute une journée, en fonction des conditions météorologiques.
Repassage : une fois sec, le linge était ramené à la maison où il était repassé. Les fers à repasser de l'époque étaient des fers à braise ou des fers en fonte, chauffés directement sur le feu. Le repassage était particulièrement important pour les draps, les chemises, et autres vêtements qui devaient être lisses et sans plis ;
Pliage et rangement : enfin, le linge était plié et rangé soigneusement dans les armoires ou les coffres à linge, prêt à être utilisé.
L’industrialisation n’a pas permis que de faciliter le quotidien : elle a aussi diminué grandement les problèmes de santé et de fatigue à de nombreuses femmes !
En effet, le travail de lavandière était extrêmement exigeant physiquement. Le lavage du linge, en particulier des pièces lourdes comme les draps, nécessitait de longues heures passées à genoux, souvent dans l'eau froide, à frotter, battre, et rincer le linge. Vous imaginez-vous l’hiver, à laver le linge dans l’eau gelée de la rivière, les doigts gercés et engourdis, les genoux directement poses sur un sol plein de neige ou de givre ? Brrrr…. Cela fait froid dans le dos !
La fatigue générale, les douleurs au dos, aux genoux, aux épaules et aux mains étaient courantes parmi les lavandières, en raison des positions très inconfortables et de la répétition de gestes difficiles. Le transport du linge mouillé, particulièrement lourd, ajoutait à la pénibilité d’un travail quotidien très éprouvant.
Alors pour cet exemple précis du lavage du linge, au-moins, l’évolution des années 50 est allée dans le bon sens, apportant plus de santé, de confort et de temps aux femmes.
RDV au Musée des outils anciens de Chazelles pour y découvrir les outils des lavandières !
Bonne visite à toutes et tous !
Elisabeth B.
Crédits photos :
Photo d'André Costargent pour Pixabay
Photo de Julia Casado pour Pixabay
Photo des pinces à laver le linge appartenant à Denise Rivière-Bousquet, mère de Jean-Paul
Photo de Willi Heidelbach pour Pixabay
Photos prises au Musée des outils anciens de Chazelles
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