Lorsque j’étais enfant, durant les vacances, papa nous emmenait souvent, mon frère et moi, visiter des églises, entre autres monuments. Nous y admirions l’architecture globale, écoutions des morceaux de musique joués à l’orgue, mais surtout - car c’est ce que je préférais - quand nous étions autorisés à y accéder, nous pouvions aller voir leurs cloches magnifiques au son si impressionnant, qui, à l’époque, me paraissaient vraiment énormes et avaient l’air si lourdes !
Parce que la volonté de papa était que les jeunes générations apprennent comment on vivait autrefois et s’intéressent à notre richissime patrimoine architectural et culturel, voici quelques informations sur l’histoire des cloches d’églises.
Les cloches d’église, surtout les grandes cloches que l'on trouve dans les clochers, sont des objets emblématiques du patrimoine religieux, culturel et sonore des sociétés. Elles ont été utilisées pendant des siècles pour marquer le temps, rassembler la communauté, annoncer des événements religieux ou civiques, et même avertir en cas de danger. Leurs fabrication, transport et installation étaient des entreprises complexes, nécessitant un savoir-faire artisanal hautement spécialisé.
À quoi servaient les cloches, autrefois ?
Les cloches sonnaient pour plusieurs raisons importantes :
Horaires religieux : elles sonnaient pour annoncer les offices religieux (messes, vêpres, etc.) et rythmer la vie quotidienne des paroissiens. Les sonneries marquaient également les grandes fêtes chrétiennes (Noël, Pâques, etc.) ;
Rappel des heures : Certaines églises utilisaient les cloches pour annoncer les heures, et parfois même les quarts d’heure ou la demi-heure, jouant un rôle de répétition du temps dans une société où peu de gens possédaient des montres ou horloges ;
Événements civiques : elles sonnaient pour marquer des événements importants, comme les mariages, les enterrements, les baptêmes, et les jours de fêtes publiques. Elles pouvaient également annoncer la fin de guerres, la naissance d'enfants royaux, la mort de personnalités ou d’autres événements significatifs ;
Alarme : Les cloches servaient aussi d’alarme pour avertir la population en cas d’incendie, de guerre ou d’invasion. Leur son puissant pouvait être entendu de très loin, ce qui en faisait un outil de communication essentiel ;
L'Angélus : La cloche sonnait également trois fois par jour (matin, midi et soir) pour appeler à la prière de l’Angélus, une pratique courante dans de nombreuses régions observant la religion catholique.
Quelles sont les origines des cloches ?
Les cloches ont des origines anciennes et ont été utilisées dans diverses cultures bien avant l'ère chrétienne.
En Chine et en Inde, on trouve des cloches en bronze dès le ii° millénaire av. J-C., souvent utilisées dans les rituels religieux.
Dans le monde chrétien, les cloches ont commencé à être utilisées au cours du VIIe siècle, notamment en Irlande et en Italie. Saint Patrick, le célèbre missionnaire irlandais, est parfois crédité d'avoir introduit la cloche comme un instrument religieux en Irlande.
À partir du IXe siècle, l’usage des cloches s’est généralisé dans toute l’Europe pour marquer les événements religieux et appeler les fidèles à l’église.
C’est au Moyen Âge que les cloches sont devenues incontournables dans l’architecture des églises et des cathédrales. Les grandes fonderies de cloches ont commencé à se développer à cette époque, et la production de cloches d’église est devenue une véritable industrie artisanale. Chaque église, en particulier les grandes cathédrales, cherchait à avoir une ou plusieurs cloches imposantes, souvent gravées de symboles religieux ou de dédicaces.
Comment étaient-elles fabriquées, par qui et dans quels matériaux ?
Les cloches d’église sont traditionnellement faites de bronze, un alliage de cuivre et d’étain, avec un rapport typique de 78 % de cuivre pour 22 % d’étain. Ce choix de matériau permet d’obtenir un son clair et puissant, tout en étant durable. Le bronze est fondu et coulé dans un moule en argile ou en cire selon des techniques ancestrales.
Les cloches étaient (et sont toujours) fabriquées dans des fonderies, spécialisées dans le travail des métaux.
La création d’une cloche est un processus long et complexe :
Modèle : on commence par créer un modèle en argile ou en cire de la cloche, incluant les décorations et inscriptions qui apparaîtront en relief sur la surface ;
Moulage : ce modèle est ensuite recouvert d’une autre couche d’argile pour créer un moule négatif ;
Coulée : le bronze fondu est ensuite versé dans ce moule pour former la cloche ;
Finition : après refroidissement, la cloche est extraite du moule, puis polie et ajustée pour obtenir un son parfait.
Certaines fonderies, comme la célèbre fonderie Paccard en France (fondée en 1796) ou la fonderie Whitechapel à Londres (qui date du XVIe siècle), sont devenues renommées pour leur expertise dans la fabrication de grandes cloches.
Combien pesaient ces énormes cloches d’églises, comme celle, si célèbre, que faisait sonner Quasimodo dans le roman de Victor Hugo ?
Les grandes cloches pouvaient peser plusieurs tonnes. Par exemple, la célèbre cloche de Notre-Dame de Paris, appelée "Emmanuel", pèse environ 13 tonnes. Les cloches plus petites, destinées aux petites églises, pesaient quelques centaines de kilos.
Comment faisait-on pour transporter et installer des objets aussi lourds à l’époque où les grues électriques n’existaient pas encore ?
Le transport et l’installation des grandes cloches étaient des opérations délicates, nécessitant une planification minutieuse :
Étant donné leur poids, les cloches devaient être transportées par des moyens robustes. Avant les camions modernes, on utilisait des chariots tirés par des chevaux ou des bœufs pour déplacer les cloches depuis la fonderie jusqu’à leur destination. Le transport pouvait prendre plusieurs jours, voire des semaines, en fonction de la distance et des conditions des routes ;
Une fois arrivées sur place, les cloches étaient hissées jusqu’au clocher à l’aide de poulies, de treuils et d'échafaudages. C’était une tâche difficile et dangereuse, nécessitant la coordination de nombreux ouvriers spécialisés. Les cloches étaient ensuite installées dans leur cadre de support (souvent en bois ou en métal), appelé "beffroi", où elles étaient suspendues et prêtes à être actionnées.
Imaginons être Quasimodo : comment s’y prenait-on pour faire sonner des cloches ?
Les cloches pouvaient être actionnées de différentes manières :
à la volée : c'est la méthode la plus impressionnante où la cloche est suspendue sur un axe, et un mouvement de balancier la fait osciller. Ce mouvement est amplifié par un cordon ou une chaîne tiré par le sonneur pour faire bouger la cloche. Lorsqu'elle se balance, le battant (une pièce métallique à l’intérieur de la cloche) frappe les parois, produisant le son ;
par battement manuel : certaines cloches, notamment les plus petites, étaient frappées à la main avec un marteau, produisant un son plus discret ;
grâce à des carillons : les clochers équipés de carillons possédaient plusieurs cloches, chacune accordée à une note différente. Un clavier permettait au sonneur de jouer des mélodies en frappant les différentes cloches.
Comment les cloches ont-elles évolué au cours des siècles ?
Avec l’arrivée de la mécanisation et plus tard de l’électricité au XIXe et XXe siècles, beaucoup de cloches ont été équipées de systèmes de sonnerie automatique, remplaçant les sonneurs humains.
Les horloges automatiques et les carillons électriques permettent aujourd’hui de sonner les cloches à des moments précis, sans intervention humaine.
En résumé...
Les cloches d’église sont des objets symboliques et fonctionnels profondément ancrés dans l’histoire religieuse et sociale de l’Europe. Fabriquées dans des fonderies spécialisées et constituées de bronze, elles pèsent souvent plusieurs tonnes et sont installées dans les clochers avec des moyens sophistiqués. Utilisées pour annoncer des événements religieux, civiques ou marquer le temps, elles ont joué un rôle central dans la vie quotidienne des communautés pendant des siècles. Leur son a traversé les âges, et malgré les innovations technologiques, les grandes cloches continuent de résonner, perpétuant une tradition vieille de plusieurs siècles.
"Bell", c'est un mot qu'on dirait inventé pour... elles.... 😊Les cloches sont des objets d'art magnifiques : n'attendez pas Noël ou Pâques pour penser à les admirer !
Bonne journée à toutes et tous !
Elisabeth B.
Sources bibliographiques :
"Les clochers - Patrimoine de nos villages" de Christophe Lefébure (2009)
"La France des clochers" de Pierre Montagnon (2016)
"Les plus beaux clochers de France : une histoire illustrée des églises de nos régions" de Nathalie Meyer-Sablé (2017)
"Vive nos clochers : avec Barrès, Hugo, Proust et les autres" de Jean-Pierre Rioux (2024)
Crédits photos :
Photo de Bernd Altmann pour Pixabay
Photo de Tibor Lezsófi pour Pixabay
Photo de Hans Benn pour Pixabay
Photo d'Enrique Yllpa pour Pixabay
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